Il est étonnant de constater, après une sacrée longue expérience professionnelle aussi variée qu'étrangement iconoclaste, qu'on tombe toujours dans les mêmes travers.
Depuis mon adolescence, j'ai été serveuse, barmaid, serveuse, vestiaire, serveuse, vendeuse, graphiste, "soutien scolaire" (comprendre "Baby sitter corvéable jusqu'à 21h"), prof particulier,
graphiste (enfin !!), graphiste indépendante, serveuse, serveuse, barmaid, apprentie tatoueuse, tatoueuse professionnelle. OUF.
Vous l'aurez sans doute compris, mes deux carrières principales ont été le graphisme et le tatouage.
Depuis mon adolescence, j'ai été serveuse, barmaid, serveuse, vestiaire, serveuse, vendeuse, graphiste, "soutien scolaire" (comprendre "Baby sitter corvéable jusqu'à 21h"), prof particulier,
graphiste (enfin !!), graphiste indépendante, serveuse, serveuse, barmaid, apprentie tatoueuse, tatoueuse professionnelle. OUF.
Vous l'aurez sans doute compris, mes deux carrières principales ont été le graphisme et le tatouage.
Mais si je cumule les innombrables "petits boulots" entre les années d'études, de stages, de chômage ou d'apprentissage tattoo, je m'aperçois que j'ai eu une expérience plus variée et presque plus marquante personnellement, dans les univers de services et de vente.
Ces métiers, aussi "simples" peuvent-ils paraître, ont de quoi changer en quelques mois, voire quelques semaines, n'importe quelle personne enthousiaste et heureuse en aigri(e) de première zone.
Ce qui est terrible, quand vous vous devez de servir les gens autour, c'est cette obligation de réserve, de politesse, de douceur. Qu'ils vous insultent, vous pincent le cul ou vous vannent lourdement, il est rare qu'un employeur autorise ses équipes à répondre vertement aux malotrus.
C'est en restauration qui j'ai le plus encaissé de remarques louches et de tentatives de tripotages (entre deux tables, ça passe inaperçu). "Hein ma p'tite demoiselle, ha ha".
Déjà, on fait très attention à sa tenue. Un jean un peu moulant attirera sifflets et mains aux fesses. (Et évidemment, toute tentative de rébellion sera punie par des remarques sur le fait que quand on s'habille comme ça c'est qu'on ne demande que ça). Tous les hauts de la garde-robe doivent être soigneusement testés. On leur demandera une opacité totale même mouillée (oui, des gens renversent exprès. Si, si. Juré. D'ailleurs ils se sont proclamés "déçus" par le manque de transparence).
Ensuite, leur élasticité, leur tenue., leur décolleté, car si l'on se penche pour essuyer une table et qu'on laisse voir quoi que ce soit... Sifflements, huées de la foule, "Oh oui chérie!! Continue, c'est bon quand ça glisse!" ... Ils ne s'en lassent jamais.
Il arrive même que sur une table où les hommes se comportent de cette façon, les femmes accompagnantes ne les remettent pas en place, mais se vexent tout bonnement. Et de vous toiser avec haine, et d'y aller de son petit commentaire méchant. J'ai entendu des "Oui bon on a vu qu'elle a des seins, faut bien ça quand on est illettré ! Sinon elle ne serait pas serveuse..." Et autres joyeusetés.
Comment peut-on être jalouse d'une personne qui se fait injurier, je ne le comprendrai jamais.
Mesdames, si votre compagnon est un connard, libre à vous de tenter désespérément de l'éduquer (lourde charge), ou de lui en mettre une derrière la tête. Moi, je suis là pour remplir vos verres et vous donner vos assiettes, avec le sourire, pour 9€ de l'heure. Merci.
Quant au bar, je ne sais même pas par quel bout commencer. J'ai envie de reprendre un poète des temps modernes, l'immense Fatal Bazooka : Un barman, c'est un mec cool, une barmaid, c'est une pute. Si la chanson m'avait fait rire, je ne peux qu'adhérer avec tristesse au propos.
Le barman, c'est votre pote, surtout s'il peut vous refiler un shooter gratuit. Vous tentez de copiner avec en lui léchant les bottes et en lui payant des verres.
La barmaid, c'est une bonne petite salope (enfin il faut croire), sur qui il est naturel de déverser sa haine de la journée ("Ma collègue est une connasse, enfin de toute façon toutes des salopes, je t'apprends rien, hahah"), sa misère sexuelle ("J'te jure, ça fait des mois, tu veux pas me rendre service, haha"), ou simplement son mépris total ("Deux bières, et en vitesse ok ?" "BONSOIR MONSIEUR, vous disiez ?" "Heu... deux bières s'il vous plaît" )
Si vous lui payez un verre, ça sera rarement sans lui glisser une blague graveleuse "Je paie en nature, haha" ou "A charge de revanche, haha".
Heureusement, derrière un bar, on peut plus facilement refuser un client, ou simplement ignorer ses vannes et ne le servir qu'après la douzaine de touristes Hollandais. Mais quand même.
Pas une soirée ne passe sans ce petit jeu permanent. Des habitués aux passants, des étudiants aux cadres sup', personne ne semble échapper à la beauferie.
"Hé !! j'te parie un verre que tu ne sais pas ce que c'est un kernel !"
Alors déjà, Dugland, si, je sais.
Ensuite, non, tu ne paries pas un verre, parce qu'un verre ça se paie. Je suis au travail, moi, pas chez Mémé. Je n'ai pas à accepter de marchés foireux. Va parier ton prochain salaire avec ton boss.
A celui-là, j'ai craqué, et rétorqué : "T'es bien sûr de toi ! Pourquoi, la serveuse il faut forcément qu'elle soit conne et inculte, donc t'es sûr de gagner?"
La réponse évidemment a été "Boh ça va, on rigole"... Aaah. Ah ben si vous rigolez, ça change tout.
Messieurs, enfin...
Toutes ces filles que vous avez insultées en croyant être drôle, dont vous ne vous rappelez même pas le visage... toutes ces demoiselles que vous avez malmenées, volontairement ou non, pendant leurs heures de travail...
J'ai une question, à tous ces clients qui brandissent la bannière de l'humour quand on finit par leur dire poliment que là, ça commence à bien faire.
Messieurs, pensez-vous être une personne correcte ? Bien éduquée ?
Si vous le pensez, prenez un peu de recul et demandez-vous si une personne venant se foutre de votre tronche pendant vos heures de bureau, si ça vous amuserait.
Si vous le pensez, imaginez votre copine à la place de la barmaid. Ou votre fille. Ou votre mère.
Qu'en pensez-vous à présent ?
Sans doute pas grand-chose. Bien des gens se retrancheront derrière l'illusion d'être l'exception parmi la masse, l'enfer c'est les autres, et de toute façon, quand on est serveuse c'est qu'on doit bien aimer secouer des miches devant le chaland. Comment ça, payer un loyer ? Bah l'a qu'à trouver un bonhomme pour ça !
Evidemment, il y a au moins UNE chose qui est commune aux métiers de services et aux métiers artistiques : un jour, on tombe forcément sur une personne qui vous pose la question fatale :
"Mais... Comment en êtes-vous arrivée là ?"