Cette semaine, j'ai échoué dans un combat de sexisme ordinaire, j'ai passé de beaux moments avec des gens aussi militant qu'extraordinaires, j'ai essayé de gérer des conflits professionnels, j'ai lancé un projet idiot et fun, et je me réveille avec une impression amère à l'annonce d'un Brexit en fanfare.
Beaucoup de choses pour si peu de temps, ça m'apprendra à peu écrire, feignasse que je suis.
J'ai très envie de partager ces expériences malgré tout, alors en avant pour le pavé. C'est de saison, les pavés. Lol. Pardon.
Une petite histoire de féminisme sur facebook.
Commençons donc par une petite dose de sexisme au quotidien, ça nous manquait non ?
Les groupes facebook sont légion, et je m'y inscris volontiers pour causer tatouage, art, etc...
J'ai noté depuis longtemps et avec un peu de déception que les groupes dédiés au body art ne recèlent pas que des merveilles de créativité.
Passons.
L'autre jour, une femme expose son dos.
Un dos incroyable, une pièce de style japonais descendant jusque sur ses fesses. Un très beau boulot.
Les commentaires fusent. "Enfin une femme qui assume ses rondeurs, bravo !" "Tu n'as pas peur de montrer tes fesses sur internet lol" "C'est bien de ne pas avoir honte de son corps".
Plus les gens se croient encourageants, plus ils sont incroyablement grossiers.
J'enfile mon costume de pédagogue, car je sais que l'Enfer est pavé de bonnes intentions.
Je poste donc ceci (à peu de choses près) :
"Bonjour ! Je trouve que les commentaires sont souvent un peu déplacés. Si ce tatouage était sur un homme, personne n'aurait eu l'idée de commenter le physique ou le poids du modèle... C'est un groupe pour parler tatouage, ici. Le physique n'entre pas en ligne de compte. Ce tatouage est très beau, à mon sens c'est de cela que nous devrions parler non ? Bonne journée à tous".
Délicatesse, donc, marchons sur des oeufs. Mais même cela ne suffit pas.
Alors que je récolte quelques "like" et quelque "c'est bien vrai !!", voilà qu'une flopée de "Ben quoi on a été polis" et de "Mais pourquoi tu cherches la merde alors qu'on a rien fait" me saute au visage.
Quelques minutes plus tard, mon post est supprimé (juste au moment où on me conseillait de "m'inscrire à la ligue de défense des grosses vaches et arrêter de faire chier".).
L'administratrice de la page en profite pour ajouter que non seulement mon commentaire a été supprimé, mais qu'en plus "La personne en cause des troubles sera sanctionnée".
Ecoeurée, je n'ai pas souhaité me débattre davantage.
Je l'avoue, j'ai choisi de cliquer sur le bouton magique. Quitter le groupe.
J'ai lâché l'affaire, sans fierté.
Je ne me console pas des quelques "like" et encouragements. Comme militante, on a connu plus résistant...
Ce matin-là, la fatigue a cédé contre la bêtise crasse. Une bien petite histoire, mais un raté quand même.
Fail, comme on dit dans le Bouchonnois.
Des bribes de rire entre deux combats
Vous le saviez déjà, j'ai des amis à la CGT.
Pour certains, les militants sont des malade mentaux violents, pour d'autres encore, des vieillards sectaires, et pour le plus grand nombre, une bande de grosses feignasses.
Chacun de mes passages au sein de leurs locaux me fait pourtant rencontrer des militants sincères, engagés, désintéressés, ne comptant pas leurs heures.
Mercredi, on me propose un petit break pour la fête de la musique, je me rends donc, curieuse, à Montreuil. Concerts, DJ, buffet et belle ambiance. C'est bon enfant, on boit tous ensemble des kirs pas très bons, on rit beaucoup et on oublie les manifestations le temps d'une soirée.
Des concerts de qualité, propulsés par des ingé son efficaces. Un DJ qui met le feu à la piste, et c'est fou de voir ces générations de militants (des lycéens-étudiants aux retraités) danser le madison tous ensemble.
Moi qui suis une outsider, pas militante, pas affiliée, travailleuse indépendante (et de fait chef d'entreprise), je suis toujours accueillie là-bas à bras ouverts. On s'inquiète avec sincérité de ma santé, de celle de ma petite entreprise, je suis bichonnée et j'en reste à chaque fois toute surprise.
Camaraderie, ce mot a un sens.
J'ai bossé dans le privé, j'ai bossé dans des associations, j'ai fréquenté bien des groupes et bien des mouvements.
Cette ouverture, ce désintéressement, cet amour réel d'une cause commune, je ne l'ai connue nulle part ailleurs.
Un bol d'air frais par ces temps de tensions.
Bye-bye London
Alors nous y voilà. Brexit.
Je vois BFM et tous les autres ailleurs s'exciter déjà sur les perspectives. Financières, évidemment, c'est encore ce qui inquiète le plus ces braves gens. Politiques et idéologiques, on a vraiment l'impression que tout le monde s'en tamponne. La Bourse s'effondre, ma p'tite dame. Vous ne pouvez pas comprendre, vous les pauvres.
J'ai des images terrifiantes d'expulsions, de gens perdus, ces migrants espérant l'Angleterre comme un Eldorado à présent ballotés à droite, à gauche, à quel pays sera le moins lamentable et haineux envers ceux qui ont déjà tout perdu - les pauvres, c'est affreux mais chacun chez soi, que diantre.
Je vois ces fous agiter le nationalisme malsain comme la garantie d'un univers radieux.
Je vois l'ombre grandissante d'une prochaine guerre, et j'en suis malade.
Ne venez pas me dire que je dramatise. Ouvrons les yeux, putain, ouvrons les yeux.
Que se passe-t-il dans ce monde. En deux générations, nous avons joyeusement effacé de notre mémoire le souvenir brûlant d'une époque morbide, et les vieux acteurs de ces moments d'horreur sont toujours là, tout gonflés d'autosatisfactions, se rengorgeant de l'idée que leur patience a payé.
Ils sont là, les Dassault, les Gattaz, rêvant de ces jours merveilleux d'avant. Avant 1945. Avant 1936. Et même avant, avant.
Le paternalisme était un rêve écoeurant.
Les rêveurs aujourd'hui ont des idées pourtant bien pires.
C'est sur cette sombre conclusion que je vous quitte le coeur un peu lourd.
Parfois ce monde ressemble à un mauvais scénario de film noir.