Encore une journée parfaitement normale, je suppose...
Ou comment la violence ordinaire frappe de plein fouet, gratuitement.
Faut comprendre qu'aujourd'hui je m'habille en mode arrache, pour aller acheter les croquettes du chat (bouh ! les courses le dimanche ! spoliation de la classe ouvrière ! crient mes amis, encore).
Donc je vais au Truffaut en bas de la rue.
Je garde, par flemme de m"'habiller" un pantalon façon bas de pyjama, qui m'arrive à mi-mollet. Des tongs. Et un de ces débardeurs "sport", avec des grosses bretelles larges. Pas de maquillage, pas vraiment coiffée.
Vous voyez le topo, c'est dimanche.
J'ai croisé en sortant une vingtaine de jeunes filles. Du très décolleté à la robe-bustier qui ne tient rien du tout, de la chemise transparente au minishort, c'est l'été, et c'est bien cool. Ma pudeur et ma fainéantise me font mourir de chaud dans ces vêtements légers mais encore trop couvrants., et envier toutes ces filles sexy même par 35°. Moi je me sens un gros sac à patates.
Et là, mon paquet de croquettes dans une main, mon sac en coton dans l'autre, je croise cette grosse dame, qui me fixe, et me HURLE (toute la rue s'est retournée) : "Faudrait les cacher, heinn! Même dehors ! On n'est pas des PUTES !!"
Comme toujours dans ces cas-là, j'en reste muette. Je rentre dans la supérette vers laquelle je me dirigeais, tout le monde me dévisage. Et comme toujours, c'est moi qui ai un sentiment de gêne et de honte.
Pourquoi ai-je honte, moi qui suis la plus banale des passantes de la rue, aujourd'hui ?
Faudrait cacher quoi ? Mes seins ? Pas possible, on n'en voit pas un bout, sous cet attirail. Mes tatouages alors ? Bah oui mais à moins d'une burqa, là c'est mort...
Que dire devant tant de haine gratuite ?
Quand j'arbore mon attirail de goth-pouffe, je peux comprendre que je choque, je peux envisager une réaction négative, mais pas accepter la violence.
Quand je m'habille en pyjama, je ne vois pas COMMENT essayer d'amorcer un début de compréhension d'une telle réaction à mon égard.
J'en repars avec un sentiment amer de profonde tristesse.
Pauvre monde.